Dans la majorité des articles traitant des “trous dans un CV”, le message est clair : les candidats doivent apprendre à les justifier. Mais du côté recruteur, comment faire la part des choses entre un simple temps mort et un vrai point de vigilance ? Entre un parcours non linéaire… et des incohérences troublantes ?
Vous le savez, lire un CV, ce n’est pas juste dérouler des intitulés de poste. C’est repérer les transitions, les éventuels périodes de vide, et comprendre ce qu’ils racontent du parcours professionnel de la personne. Si bien que savoir interpréter les “trous” dans un CV est devenu une compétence en soi.
Chez Solantis, nos consultants IT et digitaux analysent chaque jour des centaines de profils. Ils sont conscients que les “trous” ne sont pas toujours des signaux négatifs. Encore faut-il savoir les repérer, les comprendre et les questionner judicieusement.
C’est pourquoi dans cet article, nous vous proposons un regard (très) opérationnel sur :
- Ce qu’est réellement un “trou” dans un CV.
- Comment les détecter sans tomber dans la paranoïa.
- Et quelles questions poser pour éclairer les zones d’ombre… sans juger trop vite.
Trou dans un CV : de quoi parle-t-on exactement ?
Le terme “trou dans un CV” est couramment utilisé en recrutement, mais il reste souvent flou, voire biaisé. Avant de chercher à les détecter, encore faut-il savoir ce que vous recherchez.
Un “trou” dans un CV désigne une période sans activité professionnelle apparente, non expliquée et située entre deux expériences listées. Il peut s’agir de quelques mois, parfois d’un an ou plus, où aucune mission, formation ou emploi n’est mentionné.
En général, on commence à parler de “trou” dès que la période dépasse 6 mois. Mais cela dépend du niveau d’expérience du candidat et du contexte du marché.
Voici quelques exemples des “trous” les plus courants dans les CV :
- Arrêt maladie longue durée ;
- Congé parental ou maternité ;
- Période de chômage (volontaire ou non) ;
- Reconversion professionnelle ou formation ;
- Gestion d’un proche dépendant ou événement personnel majeur ;
- Voyage longue durée ou projet personnel (bénévolat, création d’activité…).
Ces situations ne sont ni rares, ni problématiques en soi. Ce qui pose question, ce sont les zones d’ombre, les incohérences, ou les périodes qui semblent “oubliées” volontairement.
Dans certains secteurs, les parcours “lisses” (sans interruption ni bifurcation) sont devenus l’exception. Les reconversions se multiplient, les périodes de transition sont plus fréquentes, le freelancing ou les breaks assumés aussi.
L’enjeu pour le recruteur n’est donc pas d’éliminer les CV “troués”, mais de savoir :
- S’ils ont du sens ;
- S’ils sont assumés ;
- Et ce qu’ils révèlent du candidat.
4 raisons de savoir repérer les trous sur un CV (sans les surinterpréter)
Quand un recruteur ou un manager lit un CV, il est normal d’avoir l’œil attentif aux dates. Repérer un “trou” n’est pas un acte de suspicion. C’est une manière de lire un parcours avec finesse, sans tomber dans une interprétation systématique.
Raison n°1 : Pour détecter les points du parcours à éclaircir en entretien
Un trou non justifié ou mal positionné peut refléter :
- Une instabilité professionnelle mal gérée ;
- Un changement de trajectoire non expliqué ;
- Ou simplement un oubli ou une imprécision.
Dans tous les cas, cela mérite une question. Pas un jugement.
Raison n°2 : Pour mieux structurer l’entretien
Identifier les périodes d’inactivité permet de :
- Mieux préparer l’échange avec le candidat ;
- Anticiper les sujets sensibles à aborder avec tact ;
- Adapter vos questions pour comprendre le “fil rouge” du parcours.
Par exemple : “Entre cette mission en ESN en 2019 et votre poste actuel, que s’est-il passé ?”
Raison n°3 : Pour éviter les mauvaises interprétations
Tous les “trous” ne veulent pas dire la même chose. Et tous les candidats ne les justifient pas de la même manière (par pudeur, par manque de recul ou encore par habitude de cacher ce qui pourrait “déplaire” aux recruteurs).
C’est donc au recruteur de poser un cadre bienveillant et d’ouvrir un espace où le candidat peut expliquer calmement les choses.
Raison n°4 : Pour ne pas passer à côté de bons profils
Certains trous sont source de richesse : reconversion, apprentissage, engagement personnel… En les évitant par automatisme, vous risquez de vous priver de candidats motivés, curieux et capables de rebondir.
Apprendre à repérer un trou dans un CV, c’est aussi accepter que la linéarité n’est plus la norme. La complexité d’un parcours peut parfois cacher une grande valeur ajoutée.
Comment repérer un trou sur un CV ? 4 techniques pour les identifier
Un bon recruteur sait que lire un CV ne se résume pas à survoler des intitulés. Il faut aussi savoir regarder les dates avec précision, identifier les zones floues… et poser les bonnes questions. Voici les principales techniques utilisées par nos consultants en recrutement pour détecter les éventuels “trous” dans un CV.
Technique n°1 : Vérifiez la continuité chronologique du parcours
Un enchaînement fluide, avec des dates précises (mois et année), est toujours plus lisible. Attention aux formats trompeurs du type : “2022 – 2024” : s’agit-il de janvier 2022 à décembre 2024 (36 mois) ? Ou de décembre 2022 à janvier 2024 (14 mois) ?
Un trou peut facilement se cacher dans les approximations de dates. N’hésitez pas à demander une clarification simple en entretien.
Technique n°2 : Repérez les transitions non expliquées
Quand un profil passe d’un secteur à un autre, d’un poste opérationnel à un rôle transverse, ou d’un CDI à une période freelance floue, cela peut signaler une transition non renseignée sur le CV.
Par exemple : “Chef de projet digital jusqu’en 2020, puis Product Owner en 2022”. Que s’est-il passé entre-temps ? Une formation ? Une pause volontaire ? Une période de recherche d’emploi ?
Technique n°3 : Analysez le ton et les formulations
Certains mots peuvent dissimuler des trous plus ou moins importants :
- “Projet personnel” sans détails ;
- “Consultant indépendant” sans aucune mission listée ;
- “Expérience internationale”… sans dates, ni contexte.
Ce flou peut être anodin. Ou au contraire révéler une tentative d’embellir une période creuse.
Technique n°4 : Croisez avec d’autres sources (LinkedIn, lettre de motivation, portfolio)
Le CV n’est qu’un support. Vous pouvez enrichir votre analyse en consultant le profil LinkedIn (souvent plus à jour), une lettre de motivation ou un mail de candidature, ou encore un portfolio ou le site personnel du candidat (utile pour les profils tech/design).
Un écart entre le CV et le profil LinkedIn n’est pas toujours problématique, mais il doit être expliqué. À ce sujet, ne manquez pas notre article “Pourquoi un profil LinkedIn est-il mieux qu’un CV ?”.
Que faire face à un trou dans un CV ?
Une fois le trou repéré, reste à savoir comment l’aborder. Faut-il creuser ? Faut-il passer outre ? Comment poser la question sans mettre le candidat sur la défensive ? Voici quelques principes et efficaces à appliquer.
Ne pas juger trop vite
Ce n’est pas parce qu’une période est vide que le parcours tout entier est douteux. Premier réflexe : suspendre votre jugement. Le trou est une info à prendre en compte. Pas un signal éliminatoire.
Poser des questions ouvertes et neutres
L’idée n’est pas de “coincer” le candidat, mais de comprendre le contexte. Quelques formulations utiles en entretien :
- “Pouvez-vous me raconter cette période entre X et Y ?”
- “Comment avez-vous vécu ce moment de transition ?”
- “Vous mentionnez une pause en 2023 : qu’est-ce qui a motivé ce choix ?”
Regarder l’après : le retour à l’emploi
Un trou peut devenir inquiétant si le retour à l’emploi est chaotique, mal expliqué, ou s’il s’accompagne d’une suite de missions très courtes. Dans beaucoup de cas, le “trou” est suivi d’un CDI long, d’une montée en compétence et/ou d’une prise de poste cohérente. C’est ce qui compte : le “rebond”, plus que la pause elle-même.
Être conscient des biais
De nombreux recruteurs (souvent inconsciemment) pénalisent trop vite certains types de trous :
- Un congé maternité (perçu comme de l’inactivité) ;
- Du chômage longue durée (perçu comme de l’incompétence) ;
- Un changement de secteur (perçu comme de l’instabilité).
Le rôle d’un recruteur est aussi de challenger ses propres réflexes pour ne pas écarter un bon profil sur une impression faussée.
Appuyer votre analyse par un contrôle de référence
Lorsque vous avez un doute sur une période floue, ou simplement pour confirmer une cohérence d’ensemble, le contrôle de référence est un outil précieux. Là encore, il ne s’agit pas de “piéger” le candidat, mais de valider des dates, confirmer une mission évoquée et éventuellement de comprendre le contexte d’un départ ou d’une transition.
Prévenez toujours le candidat et demandez-lui son accord (c’est obligatoire, article 1221-9 du Code du travail). Puis, si vous avez l’accord, posez des questions factuelles à l’ancien employeur.
Attention toutefois : certains candidats ne souhaitent pas forcément fournir de références (surtout s’ils sont encore en poste). Dans ces cas-là, ne pas insister et ne pas tirer de conclusions hâtives.
Le cas particulier du mensonge sur un CV : comment le repérer ?
Tous les trous dans un CV ne cachent pas un mensonge. Mais dans certains cas, le flou ou l’omission peuvent masquer une volonté délibérée de tromper. Pour un recruteur, savoir identifier ces cas-là est très important (notamment pour éviter les erreurs de recrutement).
Voici ce qui doit vous alerter :
- Des intitulés de poste très flatteurs… sans détails sur les missions réalisées concrètement ;
- Des dates volontairement floues ou reformulées ;
- Un empilement de missions courtes non datées (ou difficilement vérifiables) ;
- Des diplômes prestigieux, sans mention d’établissement ou de spécialisation.
Ce ne sont pas forcément des preuves formelles. Mais ces informations méritent d’être recoupées entre elles. Comparez les infos du CV avec le profil LinkedIn (s’il est disponible). Vérifiez les dates dans les lettres de recommandation, certificats de travail ou diplômes. Et utilisez le contrôle de référence pour valider les expériences-clés.
Certains mensonges sont flagrants (poste inventé, entreprise inexistante). D’autres relèvent plus d’un “arrangement” avec la réalité (responsabilités exagérées, titres enjolivés, dates arrondies).
Note : un candidat peut oublier une mission peu valorisante ou une courte expérience courte qu’il a mal vécue. Cela ne veut pas dire qu’il cherche à mentir. L’enjeu est de comprendre la logique derrière l’omission : par honte ? par oubli ? par volonté d’aller à l’essentiel ?
Là encore, c’est l’entretien qui vous permettra d’évaluer l’intention. Pas uniquement le CV, qui reste un outil marketing avant tout. À vous, recruteur, d’en faire une lecture fine, rigoureuse… mais toujours juste.
Vous l’avez compris, le rôle du recruteur n’est pas de juger, mais de comprendre. Parce que derrière les trous des CV, il y a souvent des choix de vie assumés, des périodes de transition utiles, ou des événements personnels qui forgent la personnalité du candidat.
Chez Solantis, nous ne nous contentons pas d’identifier les bons profils. Nous savons lire un parcours, détecter ce qu’un CV ne dit pas toujours, et accompagner les entreprises dans la sélection de leurs futurs talents. Besoin d’un regard expert sur un recrutement complexe ? Parlons-en.